Anima Ludens

Prendre l’image au mot

« Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux. »
René Char

« Quelle est votre démarche ? » Cette question rituelle m’embarrasse toujours un peu. Le mot évoque l’idée d’une maîtrise ; il postule une orientation consciente de sa direction et sûre de ses moyens : une démarche suppose une volonté éclairée, douée d’une emprise sur les choses, qui se coule dans un savoir-faire mis à son service. Or les objets que je fabrique, de quelque facture qu’ils soient, éclosent dans mon inconscient, s’imposent à moi en s’avançant à tâtons – quand ils ne reculent pas – dans le brouillard de mon imaginaire. En l’occurrence, il s’agit surtout pour moi de les laisser faire – d’accueillir ces formes et de les matérialiser comme elles me viennent en pensée. A vrai dire, je suis davantage travaillé par les choses que je ne les travaille à mon tour et leur donne, à l’occasion, une forme plastique acceptable.

La pâte de la langue constitue la matière première de ces travaux plastiques. Les jeux de formes auxquels je me livre procèdent de jeux de langage. J’explore la plasticité de l’écriture à travers divers médiums, jouant des nombreuses possibilités de ses formes et tirant profit de l’aspect visuel du texte. Dans ces écritures plastiques, le mot se fait image. Il s’agit d’ailleurs de prendre l’image au mot, littéralement : extraire du mot l’image qui le hante et la fixer dans une forme. Les mots ne cessent de se rire de nous : en jouant à mon tour sur ces frêles planches tendues au-dessus de l’abîme, je leur rends la monnaie de leur pièce – leur pièce de théâtre, leur théâtre d’ombres errantes.

François de Coninck

 

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